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Psychologie

Il n'est jamais trop tard pour commencer à s'aimer

22 mai 2008

Magali Giard, psychologue invitée

«Chère maman, tu as remarqué que j'avais pris mes distances envers papa et toi. Je suis allée passer cette dernière fin de semaine à la maison avec Maxime, question de voir si j'arriverais à te parler de moi, de nous. Combien de fois ai-je pensé alors à te dire toute la vérité sur ce que je vivais avec toi, mais la peur que tu minimises mes sentiments et que tu te défendes sans arrêt m'a paralysée. Tu sais que j'ai toujours eu de la misère à croire en moi, à foncer, et ça te décourageait. Avec l'arrivée de Maxime, j'ai cherché à comprendre beaucoup de choses en moi, et j'ai eu le désir de m'améliorer, pour mon bien et celui de mon enfant.

«Pourquoi me suis-je fait vivre tant de souffrance, des relations amoureuses malsaines, et maintenant, la naissance d'un petit gars, alors que je retourne aux études et que je suis à peine en couple avec le père? Pourquoi tant de complications dans ma vie? Qu'est-ce que tu me disais déjà? “Tu étais une enfant difficile, jamais contente, t'en voulais toujours plus. Ton père et moi, on aurait pu passer des soirées entières à te garder dans nos bras, ce n'était pas assez. On a arrêté bien assez vite d'essayer de te satisfaire. On ne savait plus quoi faire. Tu as toujours été exigeante. Ce qui t'arrive à toi, c'est toujours pire.”

«Ouf! Ça fait mal de tels discours, maman. J'ai longtemps cru que j'étais effectivement «incontentable» et qu'il était ardu de m'aimer. Aujourd'hui, à travers ma thérapie et mon bref mais significatif vécu de mère, j'arrive à envisager le fait que j'étais une enfant pas si différente des autres, qui avait droit à un amour vrai et généreux de la part de ses parents, mais qui avait peut-être des besoins plus grands que d'autres. J'ai dû ressentir et considérer longtemps que ces besoins n'étaient pas entendus ou que je ne méritais pas qu'on s'en occupe. Je pense que ma vie s'est amorcée dans l'insécurité. Avoir peur, ne pas trouver réconfort, croire que j'étais mauvaise, tout ça n'a pas aidé à croire que j'avais ma place, que je pouvais m'aimer comme je suis. Maman, j'aurais tant aimé que tu me reconnaisses un talent ou une force quelconque, que tu encourages mes efforts, que tu pardonnes mes erreurs, que tu m'accompagnes dans mes épreuves. J'aurais pu avoir confiance en moi, en la vie, j'aurais pris plus d'initiatives.

«Aujourd'hui, quand je regarde mon petit bonhomme, si petit et fragile, dépendant de moi, mon désir et ma joie de l'aimer sont grands, et cela me procure un grand bien. Il ne fait rien de spécial pour ça et pourtant je l'aime, j'en suis tout à fait capable. Je vois là une sorte de réparation à ma blessure profonde. Je peux renaître de tous ces mauvais sentiments que j'ai entretenus sur moi-même, et je peux ainsi envisager me défaire tranquillement de l'amertume que j'éprouve quand je constate que tu ne changeras pas, maman, car je vois alors que mon estime personnelle n'a plus à dépendre de notre relation.

«Finalement, je n'ai pas envie de t'envoyer cette lettre. Je réalise qu'au fond, c'est à moi que j'avais besoin de valider que je suis une bonne personne, que je mérite d'être aimée. Merci à mon fils qui me trouve déjà si importante dans sa vie et qui compte sur moi. De plus beaux jours sont devant moi, j'ai enfin confiance.»

Alors que Janie a décidé de ne pas remettre cette lettre à sa mère, elle a compris que si elle ne pouvait espérer ou exiger que cette dernière prenne tout à coup soin d'elle et qu'elle l'aime, selon ses attentes, elle pouvait par contre demander à sa «Janie adulte» de prendre soin de cette enfant qu'elle est encore parfois, qui pleure à ses heures et qui a besoin d'un peu d'écoute, de réconfort et surtout d'être acceptée et aimée telle qu'elle est. Cette démarche a été très thérapeutique pour Janie, mais il y a d'autres façons d'aider l'enfant en nous à grandir et à cicatriser certaines blessures. On peut trouver ces moyens avec un peu d'imagination et de recueil sur soi-même, ou encore, demander de l'aide à une personne de confiance.

C'est à travers des exemples comme celui-là que je vois que nos forces sont insoupçonnées, et c'est pour ça que j'aime ce métier. Bon courage à vous qui poursuivez cette quête de l'amour personnel ou de l'estime de soi. Parfois ça peut être long, mais au bout du compte, vous vous direz que ça en valait le coup!

En collaboration avec le Service de psychologie et d'orientation.